Collège Eugène Vigne, Beaucaire

Cette mission est pilotée par HADES et dirigée par Rémi Carme (HADES).

2008 → 2012

Localisation

, France.

Effectif du LA3M engagé

Participants : Anne Cloarec-Quillon

Responsables d'études : Guergana Guionova Lucy Vallauri

Présentation

Les productions des ateliers de Beaucaire au XIVe siècle

Suite aux diagnostics effectués par l’AFAN en 1998 et 1999, les fouilles réalisées en 2008, au Nord-ouest de la ville, à l’emplacement du Collège Eugène Vigne par Rémi Carme (HADES) ont livré un abondant matériel de production, issu des comblements de cinq fours et dépotoirs associés.

L’étude en laboratoire menée pendant 6 mois, pour la classification des pâtes, la reconnaissance des formes et l’évaluation du nombre minimum d’individus, a nécessité un long et complexe travail de recollage. Les typologies qui en résultent et les restitutions graphiques permettent aujourd’hui de caractériser la production d’un atelier dont on subodorait l’existence depuis fort longtemps. Il était connu essentiellement par un texte de 1339, dans lequel les potiers de la ville se voient dans l’obligation d’arrêter leur production et de détruire leurs fours afin de limiter la surconsommation de bois. D’autre part, un groupe de majoliques vertes et brunes identifiées sur les grands sites proches du Rhône, au château de Beaucaire même, à l’abbaye de Saint-Roman de l’Aiguille et à Arles semblaient par leurs qualités provenir d’un centre de fabrication autonome dont le développement était sans doute à mettre en relation avec le pouvoir des commanditaires locaux, le sénéchal au service du roi de France. Quelques analyses géochimiques les avaient en outre marginalisés du groupe avignonnais  en argile calcaire « dit de la basse vallée du Rhône ».

Cependant, rien n’avait jusque là permis d’imaginer que la plus grande masse de poteries produites concernait de la céramique culinaire en argile kaolinitique, alors que l’argile locale, à Pauvre-Ménage, réputée calcaire était utilisée par les potiers depuis l’Antiquité jusqu’au XIXe siècle. Comme le confirme encore la Statistique Géologique, Minéralogique, Métallurgique et Paléontologique du Département du Gard d’Emilien Dumas en 1876 : “Le dépôt subapennin fournit une argile exploitée à Pauvre-Ménage et transportée à Beaucaire pour alimenter 5 poteries établies dans la ville. Cette poterie ne supporte pas le feu. On y fabrique des cruches, des urnes et de petits vases dits cayère, qu’on expédie à Toulouse pour renfermer la volaille salée”.

A titre d’exemple, la proportion de pâte calcaire utilisée par rapport à celle en kaolin rose ne totalise pour un four que 15% de l’ensemble, qu’elle soit sans revêtement, glaçurée ou émaillée. Elle a été réservée pour le service de table, bols, coupes, pichets et cruches à anse de panier.

L’argile réfractaire recouverte de glaçure ou sans revêtement regroupe pour l’essentiel des marmites à anses verticales, des jattes, pots, poêlons et couvercles. Mais on retrouve aussi de rares majoliques à décor peint en vert et brun, des pichets et cruches et des formes spécifiques telles qu’un alambic ou une grosse jarre.

Cette constatation pose le problème de l’approvisionnement en argile des potiers qui ont recherché « des terres tenaces appelées glèzes » selon les termes employés en 1339 dans la transaction sur procès entre les syndics de Beaucaire et des fabricants de poterie. Mais la question de leur origine reste sans réponse en l’absence d’analyses des pâtes. Etaient-elles importées par voie d’eau comme le suggère la proximité du Rhône ? Les typologies des marmites, poêlons, couvercles établies indiquent une nette filiation avec les productions contemporaines de Saint-Quentin, tout comme l’emploi de la glaçure plombifère. L’on serait alors tenté de penser à une délocalisation de la production par un potier de l’Uzège, établi à Beaucaire qui, comme le texte le souligne en termes de reproches, non seulement consomme trop de bois mais  exporte aussi ses produits sans qu’ils soient consommées dans la ville !

La chronologie de l’atelier fournie par les datations archéométriques des fours et des C14, associée à une monnaie de Philippe VI de 1350, plaident en faveur du fonctionnement de l’atelier encore au milieu du XIVe siècle, date postérieure à la demande de destruction des fours de Matheum Roselli, potier faisant des pichets, marmites et autres choses appartenant à l’art de la poterie. Mais rien ne permet de dire si les fours ont été réellement détruits ni si les structures découvertes appartiennent à cette officine ayant fait l’objet d’un procès.